Être vide

Rebecca et Isaac ont deux enfants, Jacob et Esaü. La bénédiction qu’Isaac allait accorder est un événement historique qui devait changer le monde, et pourtant Isaac veut bénir Esaü, le fils égoïste qui est complètement englouti dans le Désir de Recevoir pour Soi-Même. Il ne veut pas donner cette bénédiction, cet éveil inouï de Lumière, à Jacob. Pourquoi ? Supposons que le Créateur soit impliqué ici ; si oui, alors pourquoi a-t-Il crée un scenario où Jacob doive mentir à son père – même s’il s’agit d’un mensonge blanc, parce que comme l’explique le Midrash ce n’était pas un mensonge complet – en mettant les vêtements d’Esaü ?

Toute cette histoire est bizarre. Pourquoi le Créateur la fait-il naître ainsi ? J’essaie de trouver de nouvelles compréhensions à ce sujet, et il y en a une qui est à mon avis non seulement belle, mais aussi puissante et nécessaire, qui nous aide à vivre et à éveiller la certitude. L’histoire se déroule ainsi : Rebecca dit à Jacob de préparer de la nourriture et de mettre les vêtements d’Esaü afin de tromper son père Isaac de façon qu’il lui donne les bénédictions. Mais que ressent Jacob à travers cela ? Quel est son état émotif ? Le Midrash, à deux endroits différents, nous donne un aperçu de la psyché, de la logique et des émotions de Jacob dans ces moments, et il est très important que nous le comprenions.

Il est dit que Rebecca se présente à son fils, Jacob, qui était l’honnête, et lui dit qu’il doit faire le contraire de tout ce qu’il sait sur lui-même et le monde, et mettre les vêtements d’Esaü pour aller tromper son père afin d’obtenir les bénédictions. Et Jacob se dispute avec elle, demandant ce qui va arriver si tout va mal, si Isaac le maudit, et s’il se trouve alors dans les ténèbres. Elle lui dit de ne pas s’inquiéter, et qu’elle va lui enlever cette noirceur si cela arrive.

Évidemment Jacob n’est pas trop emballé par ce processus, mais il obéit à sa mère. Elle prépare la nourriture, et Jacob entre dans la chambre où se tient Isaac. Isaac, à ce point, ne pouvait pas bien voir ; le Midrash en donne l’une des raisons, à cause du fait qu’il était lié et que les larmes des anges ont pénétré ses yeux. Et de quelle façon se dit-il que Jacob entre dans la chambre de son père, Isaac, qui était le canal spirituel le plus puissant en ce temps-là ? Dans le Midrash, il y figure trois mots alors que Jacob apporte toutes ces choses à sa mère et se prépare à entrer dans la chambre de son père, ce qui signifie non seulement qu’il ne veut pas le faire, mais aussi que cela va à l’encontre de tout ce qu’il veut faire. On l’y a forcé. Et on dit qu’il est voûté, complètement brisé et qu’il pleure. Jacob se prépare à recevoir ce qui est probablement la plus grande Lumière révélée dans ce monde, et comment y entre-t-il ? Il est forcé, il ne veut pas le faire, il est voûté, il est complètement brisé et il pleure.

Lorsqu’il entre dans la pièce, son père perçoit que quelque chose ne va pas, pour de nombreuses raisons. Il sent le Jardin d’Eden, mais il sait qu’Esau n’est pas connecté au Jardin d’Eden, et il entend Jacob utiliser les noms, se référant à Dieu, au Créateur, et il sait qu’Esau n’est pas connecté à la Lumière du Créateur. Alors, il dit à son fils Jacob : « Je veux te sentir. Je veux voir si tu es vraiment mon fils Esaü, ou si tu es un escroc. Approche-toi de moi. » Et Jacob pleure tellement que les larmes tombent sur ses hanches. Comme nous l’avons déjà dit, même avant de pénétrer dans la chambre de son père, Jacob a été contraint d’y entrer. Cela allait à l’encontre de tout dans tout son être, et il était voûté, complètement brisé, et il pleurait. Mais désormais, c’est encore pire ; il est dans la pièce et son père l’appelle, et il est sur le point d’être découvert. Il pleure tellement que les larmes tombent sur ses hanches. Ça dit que son cœur est aussi fragile que de la cire ; il est tellement bouleversé et brisé qu’il ne peut même pas bouger.

Et Jacob est tellement sorti de son corps, son cœur est en lambeaux, son esprit et son corps sont brisés, que le Créateur envoie deux anges pour le soutenir et le rapprocher d’Isaac. Il ne peut plus bouger, il a perdu tout pouvoir sur son corps, ses pensées et ses émotions, et les deux anges le soutiennent pour qu’il ne tombe pas. Voici ce qui est écrit, et c’est le secret du verset d’Isaïe : « N’abandonnez pas, car le Créateur est là pour vous soutenir ». Maintenant la question devient encore plus profonde. Pourquoi le Créateur fait-il tout cela ? Pauvre Jacob… N’y a-t-il pas des moyens plus faciles pour lui de manifester toute cette Lumière ? La réponse est très importante à comprendre.

La seule façon dont Jacob aurait pu mériter les grands dons qu’Isaac lui a offerts était par le fait d’être complètement brisé, de ne ressentir plus rien de lui-même. Aucun mérite par lui-même, aucune pensée par lui-même, aucune capacité par lui-même. Juste vide. Pourquoi le Créateur a-t-il fait venir les bénédictions à Jacob de cette manière ? Parce qu’être capable d’être aussi vide que Jacob l’a été à ce moment est le seul moyen pour Jacob, ou chacun d’entre nous, d’éveiller la grande Lumière et de grands dons de vie, d’enfants et d’aliments.

En réfléchissant à la certitude, à l’éveil de cette grande Lumière, il faut se rappeler - comment Jacob a-t-il mérité ces grandes leçons, et comment pouvons-nous, au moins, initier le processus qui nous permette d’être capable de les mériter également ? Jacob est brisé, vouté, et il pleure lorsqu’il entre dans la pièce ; il pleure tellement que ses larmes frappent ses cuisses et son cœur devient semblable à de la cire, et les anges doivent le soutenir. Mais ce n’est que parce que Jacob était si dépourvu, si vide, qu’il a pu attirer pour lui-même et pour le monde toute la Lumière de connexion, d’élévation et de révélation ; tout cela vint de ce moment du temps de Jacob. Donc, même si nous ne sommes peut-être pas en mesure de nous sentir aussi vide de mérite que Jacob l’a fait dans ce temps, il faut savoir que si nous ne désirons pas éveiller les vrais grands dons sans fin, si nous n’amenons pas la certitude d’une part tout en ayant ce sentiment de vide du mérite à son degré complet d’autre part, nous ne sommes pas en mesure d’éveiller cette grande Lumière.

Il est vrai que durant le Shabbat Toldot, nous avons une occasion extraordinaire de nous connecter à la source de la vie, de la subsistance et de la progéniture. Mais il est également vrai que si nous voulons avoir la grande Lumière, il faut se sentir dépourvu de mérite. Quand nous arrivons à ce niveau - et dans la mesure où nous y arrivons - alors nous recevons de l’aide, et le Créateur vient pour nous soutenir.